Monday, November 18, 2013

Interview with Soror Dolorosa (2013) - Part II (French)


J'ai eu la chance d'interviewer Soror Dolorosa avant leur spectacle époustouflant au Festival SGM, Madrid. Andy Julia (chant), Frank Ligabue (batterie), Hervé Carles (basse), Nicolas Mons (guitare) et David-Alexandre Parquier, appelé DA (guitare) se sont accomodés tant bien que mal dans le minuscule backstage de la salle Gruta 77 pour répondre à mes questions. Merci beaucoup au groupe, et voici l'interview...
Guillaume Renard

La tournée
Vous êtes en tournée depuis la sortie du deuxième album, je voudrais savoir quelles sont vos impressions sur cette tournée par rapport à la précédente.

Andy : “No More Heroes” a été une transition pour nous. On est passé d’un groupe pas vraiment regardé à un groupe que les gens attendent. Ça a été l’album qui nous a fait évolué, on a clairement senti l’avant et l’après. Du coup maintenant, les conditions qu’on a en tournée sont bien meilleures, on a un retour du public qui est multiplié par 2 ou 3. Quand on a passé du temps à faire un album, à mettre tout ce qu’on pouvait dedans, ça fait du bien d’avoir un tel retour. L’album a agi de lui-même auprès de la presse, auprès de la fanbase qui a grandit, qui a commencé a accrocher de plus en plus. Donc pour nous c’est un album de transition… et on a aussi appris à composer de la musique d’une autre manière. Tout ça nous amène à entrevoir les choses de manière plus large, pour la scène aussi. Ça élargit notre champ de vision.

Vous avez fait majoritairement des festivals cette année, est-ce une formule qui vous convient mieux qu’une tournée propre?
Andy: Oui, pour l’instant c’est très bien pour nous les festivals, on ne peut pas dire qu’on a une fanbase suffisament grande pour pouvoir faire une tournée tous seuls et faire 200-300 personnes comme dans toutes les villes où on a été. Les festivals restent un excellent moyen de se faire connaître par le public, de rencontrer d’autres groupes, il y a beaucoup de monde au même endroit au même moment, il se passe une émulsion. Et puis c’est vrai que les afters dans les festivals sont sympas aussi, parce qu’il y a beaucoup de monde et on aime bien faire la fête, on aime les gens et dans les festivals on rencontre du monde, c’est agréable.

Quels sont les morceaux que vous préférez jouer sur scène ? Quelle est la réponse du public par rapport à ces morceaux ? Etes-vous parfois surpris de la réaction du public face à une chanson ?

Frank:  Pour ma part, il n’y a pas de morceaux que j’aime plus jouer que d’autres, il y a quelques morceaux sur lesquels je prendrais bien du recul et que je mettrais bien de côté parce que ça fait longtemps qu’on les joue, mais comme les gens les attendent, ils forment partie de notre set. Après, tous les morceaux du dernier album sont très agréables à jouer, ils sont pêchus, ils sont “catchy” et pour moi c’est un vrai plaisir de les jouer.


DA:  Ils sont tous sur un pied d’égalité en matière de plaisir qu’ils me procurent à jouer. On tourne avec plus ou moins le même set, on organise les morceaux plus ou moins de la même façon depuis le début de la tournée, et c’est des morceaux charnière dans le set qui me bottent particulièrement, comme “Silversquare”, par exemple, qui arrive à un moment où j’ai eu le temps de me chauffer, c’est le moment où j’oublie complètement ce qu’il y a à côté, et où je pars complètement. J’ai découvert Soror quand j’avais 16-17 ans, avec le premier EP, je suis devenu complètement fan, et forcément pour moi, jouer des morceaux comme “Beau Suicide”, que j’ecoutais avec mes petits écouteurs en allant au lycée, c’est incroyable ! En ce qui concerne les “hits”, je peux comprendre Frank, mais en général on obtient tellement une putain de réaction du public, que personellement moi j’adore ça.

Andy: Ça dépend aussi beaucoup de la réaction du public, tu peux pas trop prévoir ça. Des fois, tu vas jouer un morceau comme “Autumn Wounds”, qui a été le plus diffusé en dancefloor, et quand on commence on se dit “bon, ok, c’est reparti, on va jouer Autumn Wounds”… et puis tu regardes les gens devant, ça se met à danser, les gens attendant les paroles pour chanter en même temps, ça te met la pêche, tu rédecouvres le morceau grâce au public. On ne veut pas faire tout le temps le même concert, on fait des concerts qui s’adaptent, c’est du live, on est un groupe de scène, les morceaux ne sonnent pas toujours de la même manière et la réaction du public agit sur notre comportement, notre perception du concert, et on aime ça.

C’est l’avantage de ne pas avoir de bandes enregistrées…

Andy: On a deux morceaux qu’on joue avec des samples, mais c’est assez léger.

DA: Et puis c’est intro-outro, le premier et le dernier morceau. Il faut dire que sur un live, c’est autant le public que le groupe qui fait vivre le morceau.

Andy: C’est pour ça qu’on aime aller sur scène comme la première fois, c’est toujours different. Si le public est froid, on essaie d’en remettre une couche. Quand le public est chaud c’est la fête absolue.

Avez-vous pensé editer un bootleg? Avez-vous eu des propositions?

Andy: C’est une très bonne question, parce que ça s’est fait un peu tout seul sur les derniers concerts qu’on a fait, les gens ont enregistré d’eux-même sans nous le dire, et sur une période de dix jours, j’ai reçu 3 lives différents (NDLR: Berlin, Milan, Vienne) qui ont été enregistrés sur table et remixés et qui sont très bien. Ce qui nous intéresserait serait de faire quelque chose à côté de notre discographie, un album live soit d’un seul concert, soit qui rassemble plusieurs concerts, et peut-être l’éditer en vinyle. Les lives en vinyle c’est quelque chose que tu gardes dans ta discographie et qui est très savoureux quand tu es amateur d’un groupe, je pense que le public serait content. On y réfechit, ça prend du temps d’écouter les lives, et de prendre du recul, pour savoir si c’est ça qu’on veut laisser derrière nous… On a aussi un bon live à Burg Stenberg et un autre à Paris à la soirée du Boucanier, qui organise des soirées à Paris depuis 25 ans. Il faut rassembler les morceaux, remasteriser, et peaufiner pour que ça tienne vraiment la route.

Avez-vous encore beaucoup de dates prévues pour cette tournée?

Frank: On a encore des dates jusque septembre 2014.

Andy: Au fur et à mesure de la tournée, les promoteurs nous contactent. C’est une tournée lente, on joue avec des gens qui veulent vraiment nous faire jouer. Les promoteurs parlent entre eux, ou nous voient à un concert et nous contactent, et petit à petit on a de nouvelles dates. On a des projets de concert à Athènes et à Rome, et on prévoit une tournée de la Côte Est des US et Canada pour 2014. On veut être bien rodés avant pour ne pas se planter.

Vous êtes beaucoup suivis aux US?

Andy: Ça commence, “No More Heroes” marche bien aux US, c’est un album moins gothique que “Blind Scenes”, moins triste et nostalgique. Il reste profond mais avec une base rock plus catchy. C’est un album plus varié, et les Américains aiment ça.

Quelle est leur reaction au fait que des Français chantent en anglais?

Andy: Peut-être parce qu’on utilise pas l’anglais de la même manière, généralement ils sont touchés par notre utilisation de la langue, et ils comprennent mieux notre sensibilité.

Frank: L’accent français dans le rock plaît aux Anglophones, autant aux Américains qu’aux Britanniques.
DA: Ça donne un côté chic.

Andy: Il faut assumer son accent.

Une anecdote sur cette tournée?

Andy: Des anecdotes il y en a à chaque concert, on passe toujours d’excellentes soirées…

Frank: On a quand même fait un karaoké avec des punks dans un squatt en Autriche ! A six heures du matin on chantait la BO de Dirty Dancing avec eux!

Line-up
Comment s’est faite l’intégration de Nicolas et DA au sein du groupe? Aviez-vous déjà joué ensemble?

Nicolas: Moi, je suis arrivé parce que le guitariste à l’epoque (NDLR: Emey) n’était pas disponible pour la tournée avec Alcest en février 2012, et je l’ai remplacé au pied levé. Finalement il n’est pas revenu, donc j’ai integré le groupe.

Hervé : J’avais déjà joué avec Nicolas sur des concerts, et j’ai suggéré à Frank, “on devrait l’appeler”.

Andy: Ça s’est fait naturellement, par des liens qu’on avait dans la vie. On ne pourrait pas faire un casting et des auditions sur Facebook par exemple. Le côté humain doit être plus important.

Frank: Il faut que les choses se fassent d’elles-même. On travaille comme ça, il faut des rapports humains, il faut que ça soit sincère. Pour l’intégration de DA, c’est difficile à expliquer parce que même nous on ne s’en souvient pas…

DA: On s’était déjà croisés, et c’est Steph de Alcest, qui m’avait recommandé. A la base je devais faire le son pour une tournée, et devenir l’ingé son de Soror, comme j’ai une formation d’ingé son. Finalement ça ne s’est pas fait, j’en suis content aujourd’hui, parce que je ne serais pas guitariste. Après la tournée avec Heirs, le groupe a envisagé de prendre le guitariste de Heirs dans le groupe, mais c’était compliqué, il habite en Australie. Du coup, Andy m’a envoyé un message, “j’ai entendu dire que tu es un bon guitariste, viens”. Pour moi c’était incroyable ! Et voilà, j’ai du répéter une fois avec le groupe, et je me suis retrouvé à Milan en concert... Mais je vous avais déjà contacté il y a quelques années pour proposer mes services comme deuxième guitariste…

Andy: C’est vrai?

DA: Oui, tu m’avais gentiment répondu que non… (Rires)

Frank: Ah, c’etait toi?!

Nouvel Album
Andy: On travaille sur le nouvel album en ce moment, énormément. On va encore faire évoluer le groupe, on suit l’inspiration du moment. L’album sera probablement plus long, plus immersif.

Frank: Il devrait plus sentir la fumée et la poussière que le précédent.

Andy: “No More Heroes” est poétique, nocturne et urbain, il décrit des scènes coincées dans la ville. Avec le prochain album, le regard se pose plus loin vers l’horizon. C’est plus éthéré, plus impersonnel, mais plus fort au niveau émotionnel. Ça aura un style plus épuré, de nouvelles sonorités. C’est un acheminement classique après un disque très “rempli” comme le précédent, qui ne donne pas de répit. Il y aura un plus grand contraste entre les morceaux avec des moments très intenses, et d’autres où l’intensité se relâche complètement. On laisse le temps à l’album d’évoluer.

Frank: Je pense que jusque “No More Heroes” on a écrit des chansons, et qu’avec ce prochain album, on commence à écrire de la musique. Il y a plus de cohérence, plus d’émotion, sans chercher une diffusion sur les dancefloors, avec des arrangements plus fouillés. Plus un album qu’un recueil de chansons.

Qui assurera la production?

Andy: Même producteur (NDLR: Benoît Roux aka Mr. Xort )

Vidéos
Vous avez choisi des morceaux assez sombres et intimistes pour les vidéoclips. Pourquoi ce choix? Des morceaux plus “catchy” auraient sûrement attiré plus l’attention?

Andy: C’est vrai. En fait le réalisateur qui s’est penché sur notre son (NDLR: Toshadeva Palani), et nous a proposé de faire des vidéos, s’est penché plus sur le côté artistique du groupe. Il a choisi le côté subjectif et intérieur du rapport qu’on a à la musique, plus que le divertissement ou le côté “catchy”. Il a appliqué un regard de cinéaste sur la musique, c’est pour ça qu’il a choisi ces morceaux là. Ça m’a paru assez logique que nos premiers clips soient très profonds et artistiques. Si le besoin se fait de faire des clips plus commerciaux, on les fera. Mais pour l’instant on reste proche du propos, même par rapport aux paroles. Aucun aspect n’est laissé à l’écart et c’est important pour nous.

Vous lui avez laissé carte blanche?

Andy: Oui, on a discuté, on a échangé des mails, mais on ne l’a pas rencontré. C’est un jeune réalisateur, il vit aux Etats-Unis, à Providence. Il a mis son talent, et comme c’est un jeune réalisateur, on n’a surtout pas voulu le brider. Il s’est lâché et c’est une bonne chose parce que ce sont des morceaux longs et lents, pas faciles à “cliper”. Ce sont de belles histoires qui tiennent la route, avec des propos qui peuvent concerner tout le monde et qui sont en adéquation avec les paroles. On a privilégié le côté artistique, qui peut être plus difficile à comprendre, mais d’après le retour du public, on sait que les gens le comprennent.

Avez-vous prévu un autre clip?
Andy: Pas pour l’instant.

Projets parallèles
Andy, tu chantes sur le premier album de LowCityRain, le superbe “Nightshift”. Comment s’est faite la collaboration?

Andy: Markus de Lantlôs, était venu à Paris avec Neige (NDLR: de Alcest), parce que Neige jouait avec Lantlôs, et il nous avait vu sur scène à Oberhausen. Il avait beaucoup aimé le concert. Quand Markus s’est lancé dans la New Wave et a ouvert ses perspectives musicales, il m’a propose de faire les voix sur une des chansons. Il a un style vocal assez intimiste et grave, et il cherchait des voix plus fortes et claires. Je l’ai fait avec plaisir parce que je trouve son album très très bon. Il m’a aussi demandé de faire les photos pour la pochette de l’album, ce que j’ai fait aussi avec plaisir parce que j’ai été très inspiré par l’album. Collaborer entre musiciens, c’est toujours une bonne chose quand on se comprend.

Avez-vous d’autres collaborations en cours, en tant que groupe?

Andy: On va certainement faire un split EP avec Liar in Wait, qui est un side project cold-wave de Nachtmystium, un groupe américain de métal psychédélique. Ils sonnent très bien, et ils nous ont demandé de faire un split EP. Pour l’instant c’est en pourparlers.

Et chacun de votre côté, avez vous des projets musicaux?

DA: Au cours des concerts que j’ai fait, j’ai rencontré d’autres musiciens, avec lesquels on a trouvé des points communs et des connections. Je bosse avec la chanteuse du groupe anglais Phosphor, qui fait de la Cold Wave, sur un projet qui s’appele Luminance et on s’entend très bien.

Andy: Je fais des percussions dans Dernière Volonté. C’est un groupe de New Wave-Military-Pop-Synth-Wave. Je continue à faire des concerts avec Geoffroy (NDLR: Geoffroy D, fondateur de Dernière Volonté).

Nicolas: J’ai un autre projet, L’Oeil, dont je ne suis pas le principal acteur. C’est en stand-by, mais on reprendra dès que possible.

Vous êtes très presents sur les réseaux sociaux, comment vous en servez vous pour Soror Dolorosa?

Andy: On tâche d’être présents, et intéressants, c’est-à-dire donner des choses à voir et à entendre qui sont purement et simplement liées à ce qu’on fait, et pas donner une image différente sur le réseau social parce qu’on est dans la réalité. Ça permet aux fans qui apprécient les albums d’aller un peu plus loin.

Goûts musicaux
Si vous aviez la possibilité de reformer ou de ressusciter un groupe pour le voir sur scène, quel serait votre rêve?

Frank: Led Zep!

DA: Slowdive

Nicolas: Moi, les Doors!

Hervé: Moi, les Lords of the New Church!

Andy: Moi aussi, les Lords…

Hervé: Et Led Zep aussi, et Black Sabbath le live à Paris de 1970, quand tu vois les images du live, Bill Ward qui tape, qui rentre dans les peaux, c’est LE son!

Quelles sont vos dernières découvertes musicales? Ecoutez-vous des nouveaux goupes?

Hervé: J’ai du mal avec les nouveautés. Pour que quelque chose qui vient de sortir me plaise, il faut vraiment qu’il se passe quelque chose, c’est devenu très rare. J’écoute toujours Deep Purple, Joy Division…

D-A: T’es un vieux con !! (Rires)

Frank: Avec le bagage qu’on a, on a pas encore digéré tout ce qu’on connaît…

Andy: J’écoute pas mal de nouveautés, je consomme énormément de musique, il y a pas mal de choses qui m’ont plus dernièrement, notamment sur le label Italians do it better, c’est un label américain qui fait une espèce de mélange de dreampop, chill-wave, cold-wave. Ça mélange des sons froids des 70´s ou 80´s, mais à la sauce actuelle, assez naïf et direct. Le groupe Chromatics par exemple m’a beaucoup marqué dernièrement.

D-A: Je consomme énormément de musique aussi, dans les groupes actuels, je reste bloqué sur Phosphor, que je trouve terriblissime, j’écoute leur album en boucle…

Nicolas: J’ai mes groupes cultes qui sont Nine Inch Nails, Cocteau Twins, et Dead Can Dance. Ce sont les trois groupes qui m’ont retourné et je reste bloqué dessus…

Hervé: Un groupe que j’écoute c’est Marduk, un groupe de métal.

Avez-vous quelque chose à rajouter pour les lecteurs de This is Gothic Rock ?

Andy: Je voudrais rajouter, spécialement pour les lecteurs qui ne nous connaissent pas ou peu, que nous ne sommes pas un groupe revival 80’s, on n’en a rien à foutre de ça, on fait juste ce qu’on sent sur le moment, et si on nous compare à un revival 80’s, je crois que c’est surtout parce que les groupes suivaient leur instinct à cette époque. Ils ne cherchaient pas à se sentir accollés à une scène ou à être sur telle page de tel magazine, ils faisaient ce qu’ils sentaient, et c’est ce qui fait les périodes intéressantes en musique. On fonctionne exactement de la même manière, et on en est fiers.